MÉMOIRE DU CONSEIL CANADIEN
DE LA COOPÉRATION ET DE LA MUTUALITÉ

Sommaire

Le mouvement coopératif canadien souhaite contribuer à la reprise économique du Canada en créant des emplois durables dans les communautés partout au pays. Les revenus supplémentaires que ces nouveaux emplois apporteront dans les coffres de l’État fédéral serviront à réduire le déficit gouvernemental actuel et à revenir rapidement à un budget équilibré.

Pour ce faire, le Conseil canadien de la coopération et de la mutualité propose trois recommandations :

1.    Développer une stratégie d’investissement

1.1  Création d’un régime d’investissement coopératif

1.2 Création d’un Fond de développement coopératif

2.    Assurer la pérennité du programme de l’Initiative de développement coopératif

LE MOUVEMENT COOPÉRATIF : PARTENAIRE DANS LE RENFORCEMENT DE L’ÉCONOMIE CANADIENNE

Depuis 1946, le Conseil canadien de la coopération et de la mutualité (CCCM) regroupe les 3700 coopératives et 54 mutuelles francophones du Canada. Il les représente au plan national et international. Sa mission vise à créer un environnement propice au développement coopératif et mutualiste en français d’un océan à l’autre. Le CCCM réunit huit membres réguliers, les conseils provinciaux compilant plus de 23 milliards de dollars en chiffre d’affaires et regroupant plus de 8 900 000 membres. Au surplus, elles possèdent plus de 180 milliards d’actifs et créent plus de 100,000 emplois partout au Canada. Elles ont aussi redistribué dans les communautés canadiennes un montant de plus de 100 millions de dollars en commandites, ristournes, bourses et dons au dernier exercice nancier.

La solidité de la formule coopérative n’est plus à prouver. Une analyse du taux de survie des coopératives réalisée par le Ministère du développement économique, de l’innovation et de l’exportation du Québec effectuée en 2008 démontre un taux de survie des coopératives qui dépasse largement celui des entreprises québécoises. « Quatre coopératives sur 10 franchissent les 10 ans d’existence comparativement à deux entreprises sur 10 pour l’ensemble des entreprises du Québec.»

« Les coopératives ne sont pas simplement une «autre manière» de faire des affaires, … mais un modèle d’entreprise spécifique, fondé sur des valeurs, valable pour toutes tailles et tous secteurs d’activités. Pour ne citer que quelques exemples célèbres, KPMG, l’Orchestre philharmonique de Londres, la chaîne d’hôtels Best Western, AP, sont toutes des coopératives. La crise a suscité une réflexion sur le meilleur modèle d’entreprise. Les coopératives constituent une alternative intéressante. Elles donnent la priorité à la rentabilité à long terme et à la pérennité de l’entreprise, au partage des bénéfices entre leurs membres qui détiennent le capital et les principaux utilisateurs (prêteurs, emprunteurs); elles dépendent des besoins de la communauté locale, sont hautement transparentes et – fondamentalement – elles ont un agenda social qui ne les empêche pas pour autant d’être viables et rentables. Hagen Henry, OIT, avril 2009.

Nous offrons au gouvernement du Canada, par l’entremise de ce mémoire, notre volonté d’établir un partenariat concret pour le développement, la mise en œuvre et l’évaluation de politiques et programmes gouvernementaux et ce, dans tous les secteurs d’activités. Avec la proclamation par l’ONU de 2012, Année internationale des coopératives, proclamation soutenue par le gouvernement canadien, nous désirons recommander l’inclusion de certains éléments au budget fédéral de 2012-2013, éléments qui deviendront l’héritage de ce gouvernement au succès de l’Année internationale des coopératives.

AU NIVEAU PANCANADIEN

1.    Développer une stratégie d’investissement pour le développement coopératif des communautés canadiennes :

1.1   Offrant aux membres de coopératives de producteurs et de travailleurs un accès au crédit par la création d’un régime d’investissement coopératif (RIC);

1.2   Créant un Fonds de développement coopératif (FDC) qui permettrait aux coopératives d’avoir accès à des PRÊTS non traditionnels, sous forme de capital patient à taux préférentiels;

2.  Assurer la pérennité du programme de l’Initiative de développement coopératif.

Déjà en 2009, le gouvernement fédéral renouait son partenariat avec le mouvement coopératif par le renouvellement de l’Initiative de développement coopératif dont l’objectif principal vise la création de nouvelles coopératives à travers le Canada. Cette initiative est un excellent programme, mais il ne suffit pas à combler trois besoins essentiels au mouvement coopératif qui sont : a) la capitalisation, b) l’accès au crédit et c) le soutien au développement coopératif dans les communautés de langues officielles en situation minoritaire. Voici les outils que nous vous proposons :

1.1   Développer un régime fédéral d’investissement coopératif (RIC)

Un régime d’investissement coopératif (RIC), comme celui en place depuis plus de 20 ans au Québec, visera à augmenter, au moyen d’un incitatif fiscal, la capitalisation permanente de certaines coopératives et fédérations de coopératives canadiennes ayant besoin de capitaux propres nécessaires à leur développement. Ce régime accordera une déduction scale aux membres qui acquièrent des parts privilégiées dans leur propre coopérative. Cette mesure augmentera l’accès aux capitaux nécessaires pour les coopératives agricoles et les coopératives de travailleurs an de planier leur expansion, de faire face à la compétitivité et à l’internationalisation des marchés.

Au Canada, plus de 1 300 coopératives agricoles emploient 36 000 personnes. Ces coopératives génèrent près de 19 milliards de dollars en revenus annuels et réinvestissent environ 1,6 milliard de dollars dans l’industrie ainsi que dans leurs communautés rurales. Le Régime québécois a permis, entre 1985 et 2006, de générer 393 millions en nouveaux investissements dans les coopératives éligibles pour un coût scal estimé à 51 millions de dollars. De plus, 75 % de ces investissements ont été dirigés vers les régions et dans les secteurs agricole, forestier et manufacturier. Cette mesure a fait ses preuves en termes d’effort de capitalisation, d’apport en nouveaux capitaux et en accroissement d’actifs des coopératives participantes. Cette mesure a permis aux coopératives d’augmenter l’effet de levier de leurs capitaux de base, apportant aussi un poids évident à leurs investissements et aux opportunités de financement futur. Le coût d’un tel régime, au plan fédéral, est estimé entre 17 et 20 millions de dollars annuellement et il pourrait générer 120 millions de dollars en nouveaux investissements au niveau national.

Au cours de l’année 2008, 218 coopératives ont été titulaires à un moment dans l’année, d'un certificat valide leur permettant d'émettre des titres admissibles au Régime. Ces 218 coopératives représentaient près de 30 % des 740 coopératives actives faisant partie d'une catégorie admissible au 31 décembre 2008. Parmi ces 218 coopératives, 152, soit 70 %, ont émis des titres admissibles. Au total, 21,1 M$ ont été investis dans les coopératives ciblées par la mesure fiscale. Dans l'ensemble, 6 568 particuliers ont acquis des titres admissibles émis par la coopérative dont ils étaient membres ou employés. L'investissement moyen dans les coopératives émettrices est de l'ordre de 139 000 $.

L'investissement moyen par acquéreur admissible se chiffre à 3 217 $. La proportion des sommes investies dans des coopératives du secteur agricole est de 38 %. Plus de 70 % des sommes ont été investies dans des coopératives localisées dans les régions.

MDEIE, Direction des coopératives, octobre 2009, Résultats 2008

En décembre 2004, le Comité permanent des nances de la Chambre des communes déposait son rapport et notait sur le RIC :

« Selon le Comité, il importe d'assujettir toutes les entreprises canadiennes – y compris les coopératives – à des règles du jeu uniformes et à un régime scal qui leur permet de répondre à leurs besoins de manière qu'elles puissent croître et prospérer – et l'économie canadienne avec elle (...). Le Comité recommande au gouvernement fédéral d’adopter immédiatement les mesures suivantes (...) créer un régime d'investissement coopératif qui encouragerait les employés et les membres de coopératives agricoles à investir dans leurs coopératives agricoles en les autorisant à déduire leur investissement jusqu'à un certain pourcentage de leur revenu brut. »

De plus, en décembre 2009, le rapport du Comité pour le budget 2010-2011 recommandait de nouveau au gouvernement de mettre en place une telle mesure.

Le soutien envers un RIC fédéral n’a cessé de croître. Une étude faite en 2009 par les deux associations nationales, le CCCM et la Canadian Co-operative Association, soutient qu’un tel programme recevrait un bel accueil, surtout s’il est présenté comme un outil permettant de maximiser les retombées économiques et la création d’emplois dans les régions rurales et agricoles. Les résultats de l’expérience québécoise laissent présager qu’une initiative fédérale comparable pourrait avoir des répercussions positives majeures sur les coopératives et leurs collectivités, sur le développement économique, la durabilité et l’emploi et plus particulièrement dans les régions rurales et agricoles du Canada. L’expérience du Québec démontre que même dans un contexte économique difficile, les coopératives agricoles peuvent compter sur le soutien de leurs membres. Les prévisions établies à partir de l’expérience québécoise laissent croire qu’un programme pancanadien de type RIC pourrait générer environ 4 dollars de nouvel investissement dans les coopératives participantes pour chaque dollar auquel le gouvernement renoncerait en revenu scal. Ces données reposent sur l’évaluation faite par le gouvernement du Québec sur le coût du programme en 2007, soit un manque à gagner de 8 millions de dollars en recettes scales pour les 32,5 millions de dollars d’investissements réalisés dans le cadre du RIC. Les nouveaux profits réalisés et les salaires découlant de l’augmentation des investissements seraient, bien entendu, imposables.

Depuis plus de cent ans, les coopératives canadiennes ont fait la preuve qu’elles étaient des entreprises stables et durables. Détenues par les collectivités, elles constituent de véritables moteurs de développement économique. Pour jouer pleinement leur rôle, elles ont cependant besoin d’un meilleur accès au capital. Un programme fédéral de type RIC est plus important que jamais. Instituée par le gouvernement fédéral, cette initiative permettrait de créer des règles du jeu plus équitables entre les coopératives et les entreprises privées, en plus de générer de nombreux bénéces dans nombre de régions et de collectivités des quatre coins du pays.

1.2   Créer un fonds de développement coopératif (FDC)

Par un investissement unique, nous proposons au gouvernement du Canada la création d’un fonds de développement coopératif, dont le rôle serait de consentir des prêts de capital patient, prêts de longue durée et à taux préférentiels aux coopératives qui en feraient la demande. L’accès au capital a toujours posé problème aux coopératives. Comme elles ne peuvent faire croître leur capital-actions et comme l’accès aux prêts traditionnels ou externes leur est pratiquement inaccessible, ce fonds leur garantirait l’accès à des capitaux externes sans que ces investisseurs ne prennent le contrôle de la coopérative ou n’en contrôlent les instances de prise de décisions.

La proposition de créer un tel fonds est basée sur des expériences réelles vécues par Arctic Co-operative Development Fund (ACDF) et le projet pilote du fonds La ténacité, ça fonctionne, géré par la Fédération canadienne des coopératives de travail (FCCT). En ce qui concerne l’ACDF, elle a bénécié d’une subvention initiale de 10,2 millions de dollars du gouvernement fédéral en 1986. En 2009, le montant en financement de projet atteint les 35,7 millions de dollars, les gains nets sont de 1.5 million de dollars, avec une ristourne de 1,7 million auprès des membres. Depuis sa création, ce fonds a avancé plus de 452 millions pour financer les coopératives membres.

Quant au projet pilote La ténacité, ça fonctionne, il a été créé par l’entremise d’une subvention initiale de 1,9 million de dollars du gouvernement fédéral. Ce projet pilote, d’une période de trois ans, soit de septembre 2000 à septembre 2003, a dépassé les attentes. Il continue toujours de fonctionner modestement, octroyant quelques prêts par année. En 2005, il avait 14 prêts courants dans un fonds d’investissement de 900,000$.

Une récente étude de Price Waterhouse Coopers, à la demande du ministère d’Agriculture et Agroalimentaire Canada sur la viabilité d’une proposition faite par le mouvement coopératif en vue de l’établissement d’un tel fonds, conclut :

« …l’impact potentiel du fonds est positif et aidera les nouvelles coopératives et celles déjà existantes à se développer. L’histoire nous fournit plusieurs exemples de coopératives ayant du succès à long terme. Encourager la croissance de nouvelles coopératives et celles existantes devrait avoir des bénéfices à long terme. Une des conséquences possibles serait l’équité dans le maintien au niveau du jeu des marchés avec de petites entreprises. »

et le rapport affirme de plus :

« Il y aura d’autres effets positifs sur l’économie suivant la création d’emplois car les individus ayant du travail, emplois créés par le fonds, contribueront ainsi à l’économie en achetant des biens et services et en payant des taxes. … »

2) Assurer la pérennité du programme de l’Initiative de développement coopératif

L’Initiative de développement coopératif (IDC), renouvelé pour la période 2009-2013, est un outil essentiel pour le développement coopératif à travers le Canada. En rendant permanent ce programme, le gouvernement canadien investirait directement dans des entreprises reconnues pour leur résilience, leur engagement dans les communautés de base et leurs investissements dans tous les secteurs de l’activité économique et sociale des communautés. Le programme permanent de l’IDC serait un legs du gouvernement à la société canadienne lors de l’Année internationale des coopératives. Plus de 500 demandes de financement auront été présentées par des promoteurs de nouvelles coopératives partout à travers le pays. Alors que près de 175 projets de nouvelles coopératives ou de coopératives en développement auront reçu du financement d’un des volets de l’IDC au cours de la période 2009-13.